Au temps où les êtres prenaient le temps d’écrire des lettres plutôt que des courriels,
Aragon correspondait avec André Breton, le pape du surréalisme.
Entre 1918 et 1931, date de leur rupture*, il lui envoya des messages
demeurés jusqu’ici inédits.
Louis Aragon à l’âge où il écrivit ses lettres à André Breton.
Les Editions Gallimard ont eu l’idée de les publier avec le soutien de la Fondation d’entreprise La Poste. Ces lettres ont été rédigées en état d’urgence sur le Front de la guerre 1914-1918, mais aussi de Commercy (où Aragon vivait chez sa famille), d’autres lieux en France, de Genève et Moscou… Le jeune poète, qui a entre 21 et 27 ans, y évoque la guerre, la littérature, l’art, le surréalisme, le communisme et surtout l’écriture. C’est en 1918, sur le front, qu’il commença en effet son premier roman, Anicet. Ces lettres de jeunesse sont accompagnées de poèmes, de jeux de mots, de remarques pertinentes et d’observations parfois très incisives à l’égard de plusieurs artistes. Certes, il ne s’agit pas du «meilleur» d’Aragon. Mais ces documents nous en apprennent un peu plus sur la personnalité de ce jeune poète qui, à plus de vingt ans, le jeune homme est contraint d’appeler sa mère «ma soeur» et sa grand-mère «ma mère». Ainsi le «fils naturel» de Louis Andrieux doit-il pratiquer la duplicité afin de couvrir le secret de ses origines et la réputation de son père.
Afin d’égayer votre été, voici quelques extraits de LETTRES A ANDRE BRETON”"
DE LA POESIE, DES ARTISTES, DE L’ECRITURE
24 mai 1918, Paris
«Ce qui me dégoûte chez tous les poètes, c’est que ce sont des rusés ou plutôt des futés».3 juin 1918, Paris
«Metzinger (ndla: Jean, artiste-peintre) pense qu’en poésie il y a à faire tout ce qui a été fait en peinture: cataloguer les mots, en éliminer un bon nombre, et ne s’adresser ensuite qu’au répertoire choisi. Faire voeu de pauvreté».
«Vu Poulenc, que je ne peux pas sentir (fumiste, snob, sûr de lui-même et parlant du nez) mais qui a été fort aimable et s’est enquis de Soupault avec lequel il me croit évidemment très lié».
5 juin 1918, Paris
«Mercredi après-midi, j’ai vu Francis Poulenc qui s’est fait solennellement présenter à moi. Je dois ici faire amende honorable de ce que je t’ai dit dans ma dernière lettre. J’avais parlé trop tôt, je ne le connaissais pas, je le jugeais mal sur un extérieur assez désagréable, un ton de voix lent et nasillard qui semblait lui donner une impertinente assurance qu’il est loin d’avoir. C’est un garçon tout spontané très sympathique dès qu’on le connaît, extraordinairement jeune, plein de goût, et sentant vivement toute noblesse ou beauté».
22 juin, 1918, Paris
«L’alligator Allégorie allègue à tort qu’il est guéri»
18 juillet 1918, du front
«Tu crois sans cesse que je change de ton (ton-taine-ton-ton). Mais ai-je un ton ? Ce que j’admire chez d’autres, c’est précisément d’en avoir un, dans lequel ils nagent comme poissons dans l’eau. Moi je n’y parviens pas».
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