En Perdition…:
Blafard et amarré
Je vais, dur, passionné,
Mon habit de baisers tremble
En remontant les eaux,
Ivre des térébinthes,
Je dirige, estival,
Le voilier des roses,
Me penchant vers la mort
De ce jour si ténu,
Cimenté dans la frénésie ferme de la mer.
Blafard et amarré
À mon eau dévorante
Croisant dans l'aigre odeur
Du climat découvert,
Encore revêtu de gris,
De sons amers,
Et d'un triste cimier d'écume abandonnée.
Je vais, dur, passionné,
Sur mon unique vague,
Lunaire, brusque,
Ardent et froid, solaire,
Et je m'endors d'un bloc
Sur la gorge des blanches îles fortunées,
Douces comme des hanches fraîches.
Mon habit de baisers tremble
En la nuit humide
Follement agité
D'électriques décharges,
D'hébraïque façon
Divisé par des songes
En remontant les eaux,
Dans les vagues externes,
Ton corps jumeau
Et qui se soumet dans mes bras
Comme un poisson sans fin
S'est collé à mon âme
Rapide et lent dans cette énergie sous les cieux.
Extrait de « La Centaine d'Amour »
Il a écrit ces Cent « sonnets de bois »
À son grand amour, sa dernière femme Matilde Urrutia.
Pablo Neruda
Billet proposé par Aron O’Raney
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