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vendredi 7 juin 2013

2013 - Le Lavoir Moderne Parisien - Le Culte de la Culture

2013 - Le Lavoir Moderne Parisien - Le Culte de la Culture:


Le Lavoir Moderne Parisien est une salle de spectacle ancrée depuis plusieurs années 35 rue Léon dans le quartier de la Goutte d’Or. Malgré ses difficultés, l’Association responsable du lieu se bat chaque jour pour proposer une programmation originale, accessible au plus grand nombre, tout âges confondus. Récemment vendu à un promoteur, cet endroit atypique est aujourd’hui menacé de démolition. A l’heure où ce secteur subit une mutation positive, la disparition du Lavoir représenterait un véritable paradoxe. La démocratisation de l'accès à la culture allant de pair avec l’éducation et l’intégration, le travail de l’Association s’inscrit dans une dynamique de plaisir et d’intérêt  général.
La cause valait le déplacement, nous les avons rencontrés.



Une belle journée d'Avril. Après une longue absence, le soleil revient nous faire une beauté le temps de quelques heures. Rendez vous ce jour là au Lavoir Moderne Parisien. Je suis accueilli par Anne, la directrice de l’Association,qui dirige cette salle depuis quelques mois.



A première vue, le lieu possède le charme atypique de ces endroits riches de leur histoire. Les murs raisonnent encore du souvenir d’échanges passionnés, si spécifiques au monde du spectacle. Anne me conduit au premier étage, où s’étalent les banderoles des Femen qui y ont installé depuis peu leur quartier général. Au rez-de chaussée, la scène vibre au son de la répétition des « Têtes Raides ». Le groupe joue tous les soirs à guichet fermé depuis trois semaines. Je me renseigne sur la programmation. Musique, Théâtre, One Woman show, la sélection hétérogène titille ma curiosité. Ce lieu donne envie d’être surpris et j’aime ça.



Loin des clichés que véhicule l’image d’un quartier dont l’intimité reste assez méconnue, des associations se battent pour faire exister la culture de proximité. C'est une noble cause dont tout le monde devrait pouvoir profiter. C'est ici que le bas blesse. Cette indispensable bouffée d’oxygène s'engage sur la pente savonneuse d'une démolition programmée.



Revenons en arrière. Construit vers 1870, ce lavoir vit le jour après la grande vague de 1830, d'où son appellation de « Moderne ». On lavait au rez-de-chaussée, on séchait au premier. Au XXe siècle, la productivité sera soutenue par un système de monte charge électrique, qui règlera bien des problèmes de dos. Cette mécanique intacte aujourd’hui, trône au milieu des poutres de bois contribuant au charme du lieu.





A une époque où l'eau courante se faisait rare, ce type d'établissement au cœur de quartiers ouvriers était d'une précieuse utilité. Après une longue période d'activité, le Lavoir fermera ses portes dans les années 50, sacrifié sur l'autel de l'électroménager individuel. Laissé à l'abandon jusqu’aux années 80, l’endroit sera repris par une association d’artistes qui lui offrira une seconde vie. Celle ci luttera becs et ongles pour promouvoir le spectacle vivant à la Goutte d’Or et elle y parviendra. Hélas, la réalité se montre parfois cruelle avec l’intérêt général. Victime comme beaucoup de lourdes difficultés financières, la marge de manœuvre de l'Association reste mince.





A force de volonté et de travail, les membres ont réussi à préserver une démarche originale à l’échelle d’un quartier. Jusque récemment… où le bâtiment fut vendu à un promoteur dont le programme prévoit de raser l'ensemble au profit d'un lotissement neuf.


Loin de moi l'idée de schématiser la fracture séculaire entre artistes et hommes d’argents. Le débat doit dépasser l’impasse de ces clivages. C'est la raison qui me pousse à prendre la plume.




Dans un discours à l'Assemblée Nationale, Victor Hugo affirmait qu’« Une école qui ouvre, c'est une prison qui ferme ». Tout est dit ! Cette phrase d’une brûlante actualité s'applique à tous les endroits qui permettent aux individus d'apprendre et de comprendre.





En 2013, la banalisation des écrans offre aux théâtres une dimension particulière. La préservation de ces lieux de créations directes et incarnées devient plus que jamais nécessaires. A l'heure où les enfants, en perte de repères, apprennent à se forger une opinion dans le but de devenir des citoyens, l’éveil à la culture reste primordial. La bataille que livre l’Association du Lavoir est rude, mais elle mérite d’être gagnée. A travers une programmation atypique et une politique tarifaire plus que raisonnable, elle se démène chaque jour pour faire venir du monde au spectacle. Sans être un aficionado de la subvention à tout va, je considère que leur courage et leur acharnement à poursuivre cette mission méritent l’attention des pouvoirs publics. Oserais je parler de soutien ?
Un aspect de cette affaire m'interpelle en particulier.





Il y a encore peu de temps, la Goutte d'Or pâtissait de la réputation difficile d’un quartier où la misère côtoyait la violence et le crack. De gros efforts ont été fait depuis quant à l’amélioration du cadre de vie. A titre personnel, j'ai assisté à la transformation de la rue Myrrha, à la création du square de Château Rouge et à de nombreux travaux de rénovation. En mettant un terme aux prières de rue et en contribuant à la paix sociale, la construction de la Mosquée du 18e est aussi un acte symbolique important. Ces améliorations sont des signaux forts, mais au delà des lieux de culte, qu'en est-il des lieux de culture ?
Dans les faits, une fois franchi le périmètre de Montmartre, le spectacle se fait rare. Il fut un temps ou l’Olympic, un café concert situé à une centaine de mètres faisait le bonheur des amateurs de musique. Las… Fermé pour raisons économique, l’établissement n’existe plus depuis un an.
L’Association du Lavoir a réalisé un parcours remarquable en se battant avec les moyens dont elle dispose, et Dieu sait s’ils sont faibles. Au prix d’énormes sacrifices individuels ses membres gardent cette foi indispensable à l’aboutissement des grandes causes. Ce travail n’est-il pas assez important à l’échelle d’une région qui souffre encore tellement de la ghettoïsation de certains quartiers ? A une époque où l’on vante les mérites du vivre ensemble et de la mixité culturelle, QUID du soutien à une action concrète qui lutte envers et contre tout avec la seule bonne volonté de ses habitants ?


Les idées pour préserver cet endroit ne manquent pas. Encore faut-il qu’elles puissent être entendues.
Je profite de l’occasion pour évoquer une ordonnance dont j’ai récemment pris connaissance. Depuis 1945 il interdit en France de démolir un théâtre sans l’assentiment des pouvoirs publics. On raconte qu’il s’agirait d’une des conséquences des dommages culturels issus du régime nazi. La chose est peu connue mais mérite de circuler. Toute proportion gardée, ce texte est avant tout révélateur d’une forte prise de conscience collective dont nous souhaitons qu’elle préserve aujourd’hui toute sa dimension.
En sortant du Lavoir, je n’avais qu’une envie : y retourner. Hélas, il faudra se dépêcher car le temps joue contre lui.


Un théâtre qui vit peut s’inscrire dans l’avenir. A travers ces quelques lignes, j’invite les plus nombreux d’entre vous et à pousser la porte du Lavoir Moderne Parisien le temps d’une soirée. La programmation est si variée que chacun pourra trouver un bonheur que je lui souhaite de partager auprès du plus grand nombre. Soutenir le combat de l’Association du Lavoir, c’est se battre pour préserver la démocratisation de l’accès à la Culture.
Pour conclure, une anecdote résume à elle seule l’importance du chemin parcouru. En passant Rue Léon, il arrive souvent que des enfants tirent leurs parents par la manche en criant : « Maman, c’est ici le Théâtre ! ».


Puissent-ils le dire encore longtemps.

Le Lavoir Moderne Parisien
35 Rue Léon


75018 PARIS





Pour ceux qui souhaitent soutenir le travail de l’Association, la pétition de soutien est disponible ici


http://www.avaaz.org/fr/petition/Il_faut_sauver_le_lavoir_moderne_parisien/
Le principe d’adhésion à l’association est simple. En échange d’une somme laissée à discrétion, le prix des billets passe de 15 à 5 euros.










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